En 1917, après le massacre du Chemin des Dames, où plus de 147000 poilus ont été tués et plus de 100 000 blessés en deux semaines, les soldats se mutinent dans plus de 60 des 100 divisions de l'armée française. Ces révoltes furent très sévèrement réprimées, en particulier par Pétain : il y eut plus de 500 condamnés à mort.
Cette chanson était interdite et rallia les troupes pendant les mutineries de 1917. Un million de francs-or plus la démobilisation immédiate furent promis à qui dénoncerait son auteur. Elle est restée anonyme.


 

 

Chanson de Craonne

Anonyme


Quand au bout de huit jours le repos terminé
On va reprendre les tranchées
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile
Mais c'est fini on en a assez
Personne ne veut plus marcher
Et le coeur bien gros comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civelots
Même sans tambours, même sans trompette
On s'en va là-haut, en baissant la tête.
 
Adieu la vie, adieu l'amour
Adieu toutes les femmes
C'est bien fini, c'est pour toujours
De cette guerre infâme
C'est à Craonne, sur le plateau
Qu'on doit laisser sa peau,
Car nous sommes tous condamnés
Nous sommes les sacrifiés.
 
Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la relève
Que nous attendons sans trêve
Soudain dans la nuit et dans le silence
On voit quelqu'un qui s'avance
C'est un officier de chasseurs à pied
Qui vient pour nous remplacer,
Doucement dans l'ombre sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leur tombes.
 
C'est malheureux de voir sur les grands boulevards
Tous ces gros qui font la foire
Si pour eux la vie est rose
Pour nous, c'est pas la même chose
Au lieu de s'cacher tous ces embusqués
Feraient mieux d'monter aux tranchées
Pour défendre leurs biens, car nous n'avons rien
Nous autres les pauvres purotins
Tous les camarades sont tendus-là.
Pour défend'les biens de ces messieurs là.
 
Ceux qu'ont le pognon, ceux-là reviendront
Car c'est pour eux qu'on crève
Mais c'est fini, car les trouffions
Vont tous se mettr' en grève
Vont tous se mettr' en grève
Ce sera votre tour messieurs les gros
De monter sur l'plateau
Car si vous voulez la guerre
Payez-là de votre peau.
 
 

 

 

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