Fort-de-l'eau

(source: CAOM Aix-en-Provence "Histoire d'un centre rural algérien: Fort-de-l'Eau Alger", par G. Bresson, 1957 )

 

Fort-de-l'Eau (aujourd'hui Bord el Kiffan) était un village situé entre l'oued Harrach et le Cap Matifou, à 17 km d'Alger. Fort-de-l'Eau fut érigée en commune de plein exercice le 2 juin 1881. En vérité, sa création remonte au 22 août 1851 lorsque la Rassauta fut créée commune de plein exercice. Elle s'étendait alors sur les localités de Maison Blanche (Dar el Beïda) et de Maison Carrée (El Harrach).

Dès 1835, une superficie de plus de 3000 hectares fut attribuée au prince Mir Mirsky, qui avait été chassé de son pays par la révolution polonaise. Obligé d'emprunter, le prince dut rétrocéder sa concession en 1843. Le 19 septembre 1846, l'administration fut amenée à reprendre possession de la ferme après avoir indemnisé en partie les créanciers.

Sous l'impulsion du baron de Vialar, obligé en 1835 de faire un arrêt forcé sur l'île de Minorque alors qu'il se dirigeait vers la France, un véritable réseau migratoire de Minorque vers Alger fut organisé. Plusieurs centaines de familles s'installèrent à Alger et aux alentours. Très rapidement, ces mahonnais furent appréciés des autorités coloniales françaises. Ils eurent très vite une réputation de travailleurs, d'hommes honnêtes et sobres. Leur succès attira de nombreux compatriotes.

Les progrès sensibles qui s'étaient manifestés sur le Centre de Fort-de-l'Eau, les demandes toujours plus nombreuses de concessions sur le domaine de La Rassauta, les créanciers du Prince de Mir aussi acharnés qu'auparavant, décidèrent l'Administration à partager le domaine en plusieurs concessions.

 En 1849, une Commission composée du Receveur de l'Enregistrement Ducoin, de l'Inspecteur de Colonisation Darru, de l'Architecte Lefèvre, du Sous-Intendant Wolf, des officiers comptables Melcion d'Arc et Mouton, du Chef de Bataillon Crozale, procéda à la délimitation des terrains de l'Administration Militaire remis aux Bureaux Civils. Ils évaluèrent à 2.500 hectares le territoire non affecté aux Aribs, sur lesquels 500 étaient distraits pour Fort-de-l'Eau.

noria mahonnaise

 

Sur ces terres, 1500 hectares furent distribués en une trentaine de concessions dont les bénéficiaires furent: Rivière, Deshayes, Tisserand, Boyer, Argentier, Coutel, Meunier, Monge, Boubland, Trichard, Gabriel, Hermelin, Buthier, Barouin, Verdier, Baisse, Aumont, Camps, Boglio, Gomila, Sintès, Pons, Alzina, Salord, Marquez, Mascaro, Ségui, Marquez et Fernando.

Ces concessions comprenaient de 25 à 50 hectares et comme condition, le paiement d'une redevance annuelle de 2 francs par hectare et la construction d'une ferme.

Quant aux 800 hectares restants, ils étaient conservés pour permettre aux créanciers du Prince de Mir de récupérer une partie de leurs créances. A la suite de deux adjudications, les propriétaires suivants furent mis en possession des lots : Gomila Joseph, Deleschamps Elisabeth, Séror Moise, Sionville Henri. Vve Boussaguet, Barbe Juan, De Fournas Albert, Lhopitaud Michel. Trottier François.

Le rapport de toutes ces adjudications destinées à rembourser les créanciers, s'éleva à 80.000 francs environ dans lesquels les bâtiments de La Rassauta entraient pour 30 000 francs.

Très rapidement, les colons s'adaptèrent à leur terre. D'abord logés dans des baraques en bois, ils construisirent des fermes et pratiquèrent une mise en valeur très poussée de la région. Constatant les progrès réalisés par tous ces agriculteurs tant Mahonnais que Français, le Gouvernement se décida. à ériger la Rassauta en Commune de Plein Exercice. le 22 Août 1851..

Elle comprenait en 1852 :

1°) Le hameau de Maison-Carrée où étaient groupées une vingtaine d'habitations.

2°) Le village de Fort-de-l'Eau qui comportait 51 maisons d'habitations et une église.

3°) Les concessions de La Rassauta qui présentaient une suite continue de fermes et d'habitations depuis la Maison Carrée jusqu'à l'Haouch Merdja, sur un parcours de 8 km.

Cette commune prit un très grand essor sous la conduite de son premier Maire, M. Trottier. L'Administration et la profession, reconnaissant les efforts faits par les agriculteurs, tinrent à accorder en 1856 une récompense en espèce à l'un d'eux, Ramon Ségui.

Mais cette commune restait artificielle, en ce sens, que, d'une part, elle groupait. des entités ethniques différentes, et que, d'autre part, elle était tiraillée entre des centres d'attraction divers: la mer avec Fort-de-l'Eau, la Mitidja avec Maison Carrée. Enfin, et malgré les divers projets de création d'un village à La Rassauta, cette commune ne possédait pas de centre administratif. Elle s'était installée d'abord à Hussein-Dey, ensuite à Maison Blanche puis au Retour-de-le-Chasse. Son territoire, d'ailleurs assez mal délimité, avait d'ailleurs été modifié et remanié en 1956. Au cours des années, elle fut amputée des centres qui la composaient, en particulier de Maison Carrée, de Maison Blanche et de la Réghaïa.

  

Plan du domaine de La Rassauta

 

Les aquafortains demandèrent, eux aussi. à vivre de façon indépendante et c'est ainsi qu'en septembre 1879, une Commission Syndicale, composée de MM. Offoltz, Frey, Dubois, Sintès et Sancho, intervint pour faire aboutir ce désir.

Le Conseil Municipal de La Rassauta le 28 Septembre 1879. siégeant sous la présidence de M. Verdier, Maire, assisté de MM. Paulin, Viault, Larreub, Dupuy, Verdier Hugues, Camps, Pons et Mohamed Ben Ali, rejeta cette demande. Mais sous la pression des événements, il fut obligé de diviser la commune en deux sections, celle de Maison-Blanche - Retour-de-la-Chasse et celle de Fort-de-l'Eau. Ce même conseil décida du transfert du Centre communal à Maison-Blanche.

Cependant, les habitants de Fort-de-l'Eau, à la suite d'une pétition, se montrèrent têtus, et 213 personnes sur 221 demandèrent l'érection de Fort-de-l'Eau en commune de plein exercice.

Plan cadastral de la Rassauta en 1868

 

 

 Les efforts des aquafortains devaient enfin être couronnés de succès. Le 2 juin 1881, un décret érigea Fort.de-l'Eau en commune de plein exercice.

Mais la naissance de cette circonscription provoqua la chute de la commune de La Rassauta.. Après avoir pendant trente ans figuré sur la liste des communes algériennes, celle-ci tombait dans 1'oubli.

Ne voulant pas voir disparaître ce nom, le nouveau Conseil Municipal décida de demander au Pouvoir Central le droit d'appeler encore la nouvelle commune La Rassauta.

La délibération extrêmement émouvante du Conseil se traduisit par le vœu suivant : "Les enfants devinrent grands et abandonnèrent leur mère en s'érigeant en commune de plein exercice, tout en lui empruntant son nom, te11e Maison-Carrée d'abord et Maison.Blanche ensuite. Aujourd'hui que le Centre de la Maison Blanche a' été érigé en commune sous son véritable nom, nous demandons à reprendre le nôtre et à rester ce que nous avons toujours été: Commune de La Rassauta. Par le fait, au lieu de créer deux communes, il n'y en a eu qu'une seule, Maison-Blanche qui est distraite du territoire de La Rassauta. D'ailleurs, le Centre lui-même de Fort-de-l'Eau a été installé sur La Rassauta, propriété du Beylik sous les Turcs, puis ensuite à l'Etat qui y installa le Prince de Mir qui tenta un essai de colonisation assez malencontreux pour l'époque de 1834 à 1837. Aujourd'hui que la colonisation a marché à grands pas, La Rassauta dont les terres sont de première qualité et qui sont exploitées par une population laborieuse est devenue un pays riche, qui expédie en France tous les légumes et primeurs qui se vendent à Paris et dans les principales villes."

 Cette délibération adoptée à l'unanimité fut signée de tout le Conseil qui avait présidé à la naissance de Fort-de-l'Eau et dont la liste suit:

 

Noms et prénoms Date et lieu de naissance Profession Nationalité
FREY Henri (Maire) 1844 Alger Agronome Français
OFFOLTZ Mathias (Adjoint) 1819 Moselle Rentier Français
BERTHELOT Charles 1846 La Rassauta Propriétaire Français
TERRIER Isidore 1846 La Rassauta Charron Français
MOREAU Charles 1822 Loir-et-Cher Rentier Français
DEPORTE Alexandre 1845 Meuse Cultivateur Français
CAMPS Pierre 1841 Minorque Cultivateur Espagnol
PONS Jacques 1856 Minorque Cultivateur Espagnol
BEN MOHAMED Ali 1844 La Rassauta Cultivateur Indigène

 

Les candidats malchanceux à l'élection de ce premier  Conseil : Alzina Gabriel, Sintès Joachim, Ségui Bernard, Cardona Joseph, Sancho Joseph, Forgeot et Mohamed Ben Salem, s'associèrent d'ailleurs à cette demande. Celle-ci fut rejetée en 1833 par le Gouverneur General. Lcs membres du nouveau Conseil, MM. Frey, Offoltz, Berthelot, Terrier, Sicard, Bertrand, Burgeoin,  Sintès, Vandendriessche, Schalltenbach, Mesguich

et Nahoum, revinrent à la charge et dans une note adressée au Conseil Général qui l'approuva et au Gouvernement Général, ils exposèrent que le territoire proprement dit de La Rassauta se composait anciennement des communes actuelles de Fort-de-l'Eau, Ain-Taya, Maison-Blanche, Rouïba, Maison-Carrée et Hussein-Dey, et que, malgré cela, la commune a toujours porté le nom de Rassauta; ce qui se prouve d'ailleurs, c'est que lorsque le hameau de Maison-Carrée s'est érigé en commune, nommant comme Maire, M. Vanmascik, propriétaire à cet endroit, au lieu de conserver le chef-lieu là où il avait toujours existé, on l'installa à Maison-Blanche, en empruntant au chef-lieu le nom de La Rassauta.

Plus tard, lorsque les habitants de Fort-de-l'Eau demandèrent leur séparation, cette même commune garda le nom de son hameau et on restitua le nom de la nouvelle commune dont le chef-lieu fut installé au  Retour-de-la-Chasse, sur le territoire actuel de la commune de Fort-de-l'Eau.

Cet état de fait demeura jusqu'à ce que la nouvelle municipalité, composée en grande partie des habitants du hameau de Maison-Blanche, sollicitèrent et obtinrent le transfert du chef-lieu à Maison.-Blanche. Lors de la demande de la séparation de La Rassauta avec Maison-Blanche, ne pensant pas qu'il puisse exister un doute vis-à-vis de l'Administration, au sujet de la dénomination de La Rassauta à donner à la nouvelle commune, nom qu'elle avajt toujours porté, les habitants ne s'appesantirent pas sur ce fait, croyant être sûrs d'avance que comme dans les précédentes séparations, sa vraie dénomination lui serait conservée; aussi leur surprise fut-elle grande quand ils s'aperçurent que 1e le nom de Fort-de-l'Eau avait remplacé celui de la Rassauta.

Malgré ces différentes interventions, la substitution de nom n'eut pas lieu et la Commune conserva celui de Fort-de-l'Eau.

Le territoire de cette commune fut sujet à plusieurs modifications. C'est ainsi qu'en 1891, le Gouverneur Général faisait connaître qu'il répartissait les anciens communaux des Aribs entre les communes de Maison-Blanche, Rouïba et Fort-de-l'Eau. Les superficies affectées à chacune de ces circonscriptions étaient les suivantes : pour Maison-Blanche 32,7160 ha - pour Fort-de-l'Eau 197,15 ha - pour Rouïba 64, 8775 ha.

Si l'on se penche une dernière fois sur ce territoire des Aribs, on constate que 1367 hectares ont été répartis entre un certain nombre de concessionnaires qui les ont eux-mêmes très souvent revendus. Si J'on ajoute à cette superficie les 48 hectares de chemin et les 190 hectares de parcours communaux, on s'aperçoit qu'à la suite de la nouvelle répartition entre les trois communes précitées, il reste comme communaux des Aribs, environ 27 hectares.

Un réajustement des limites administratives de la commune aboutit enfin à un chiffre de 23,27 km2 qui est resté depuis 1911 le chiffre officiel de la superficie territoriale de Fort-de-l'Eau.


 

Fort-de-l'eau en 1850:

Ci-dessous, la liste de la population de Fort-de-l'eau en janvier 1850. Elle confirme, grâce aux patronymes, l'origine minorquine de cette population. (source: CAOM Aix-en-Provence "Histoire d'un centre rural algérien: Fort-de-l'Eau Alger", 1957 )

 

Nom Origine Profession Ressources pécuniaires annuelles Nombre de personnes au total... ... dont

"domestiques"

Surface concédée en 1850 (1ère répartition)

Ha. a. ca.

Surface concédée en 1850 (2ème répartition - tirage au sort)

Ha. a. ca.

OLIVES, Llorenç Hussein-Dey jardinier domestique 6000 F 2   7.13.65  
VILLA, Pere Mustapha Supérieur jardinier locataire 1500 F 5   7.32.95  
MARQUES, Antoni Kouba            
TUDURI, Antoni Hussein-Dey ouvrier agricole 2000 F 6   7.88.35 1.76.40
BARBER, Joan Hussein-Dey            
SASTRE, Josep La Bouzaréah
locataire de M. Sanguinetti
jardinier locataire 3000 F 8   8.25.80 1.80.60
SINTES-CARDONA, Joan Hussein-Dey jardinier locataire 1500 F 7   7.14.05  
PONS, Jaume Hussein-Dey     3   7.47.90  
PONS, Joan (père de Christophe) Kouba jardinier locataire 15000 F 9   6.90.40  
CAPO, Domingo Kouba            
SINTES, Bernat Hussein-Dey jardinier locataire 4000 F 7   6.87.85  
MASCARO, Joan Hussein-Dey jardinier locataire 1500 F 7   7.21.16 2.22.50
MASCARO, Miquel Hussein-Dey     3   8.26.05  
SEGUI, Llorenç Hussein-Dey jardinier locataire 2000 F 5   8.25.85 2.15.30
PONS, Bartomeu Pare Mustapha domestique 2000 F 4   6.71.55 2.08.30
JUANEDA, Francesc Bab-el-Oued charretier 2000 F 5   7.74.80  
XIMENES, Joan Hussein-Dey            
ALZINA, Antoni Kouba jardinier locataire 6000 F 5   7.19.40 1.94.70
MARQUES, Joan Kadou jardinier locataire 1500 F 7   7.25.19  
MERCADAL, Antoni El-Biar            
CAMPS, Mateu Kouba jardinier 4000 F 6   6.78.55 2.37.60
GENER, Francesc Hussein-Dey jardinier locataire 6000 F 8   8.18.45 2.25.70
PONS, Tomas Hussein-Dey jardinier locataire 10000 F 6 5 ouvriers 8.26.80 1.96.30
MARQUES, Josep La Bouzaréah jardinier locataire 2 à 3000 F 7   7.44.25  
SALORD, Joan La Bouzaréah maraîcher 2000 F 6   7.30.40 1.96.70
OBERIC   maçon 1500 F 9      
PONS Bartomeu Hussein-Dey            
PONS, Cristofol Hussein-Dey jardinier 6000 F 1   7.30.70  
LLORENS, Josep Hussein-Dey jardinier locataire 3000 F 8 1 homme 7.29.60 1.78.20
SALORD, Jaume Hussein-Dey ouvrier agricole 800 F 6   7.27.95  
TUDURI, Francesc Hussein-Dey jardinier locataire 4000 F 4   7.36.10  
COLL, Joan Hussein-Dey forgeron propriétaire 2000 F 4 3 ouvriers 8.44.50 2
SINTES, Pere Hussein-Dey ouvrier agricole 2000 F 7   8.39.00  
GORNES, Bernat Kouba jardinier 2000 F 7   7.96.60 1.94.30
MARQUES, Mateu Hussein-Dey
chez M. Simon
jardinier locataire 7000 F 16   7.26.00 1.76.70
SINTES-CARDONA, Llorenç Hussein-Dey jardinier locataire 8000 F 7 4 ouvriers 7.27.95 1.56.90
MERCADAL, Bartomeu Hussein-Dey jardinier 3000 F 10 4 hommes 7.80.90  
FEDELICH, Joan Hussein-Dey jardinier locataire 3600 F 10   8.00.40  
SINTES, Josep Maison-Carrée jardinier 3000 F 4   7.18.90 1.75.70
SEGUI, Ramon Hussein-Dey jardinier locataire 3000 F 2   7.30.40 1.96.90
ALZINA, Gabriel Kouba jardinier 15000 F 7   7.42.55 2.18.20
PONS, Josep Kouba jardinier 500 F 3   8.58.65 2.
BARBER, Josep Hussein-Dey jardinier 500 F 1   7.21.15 1.96
SINTES-TUDURI, Josep Aïn Kadra métayer 3000 F 8   7.19.90 2.22.10
PONS, Cristofol Kouba jardinier locataire 2000 F 7   7.13.30  
MONTANER Pedro           8.23.70  
SERRA Antonio           7.27.30 1.76.40
BAGUR Rafel           8.14.30  
ALONS Antonio           8.27.50  
COLL Antonio           12.48.10  
Vve FORNARIS           8.48.05  
Vve LUC           7.96.15  

 

 


Document

Titre de concession de SINTES Bernard.

 

ALGERIE
Département d'Alger
_____

du registre des demandes
de concession
_____
N°52
du registre des titres
de concession
_____
Désignation de la localité:
Fort-de-l'Eau

Nom du concessionnaire:
SINTES
_____

 

TITRE DE CONCESSION

 

Nous, Préfet du Département d'Alger,
Vu l'arrêté ainsi conçu:

 

ARRETE DE CONCESSION

_____________

 

Nous, Préfet du Département d'Alger

Vu les ordonnances des 21 juillet 1845, 5 juin et 1er septembre 1847, et le décret présidentiel du 26 avril 1851,

Sur l'avis du Conseil de Préfecture en date du 11 septembre 1851.

_____________

 

Art. 1er – Il est fait concession au Sieur SINTES Bernard d'un terrain domanial d'une contenance de six ares portant le n°13 du village de Fort-de-l'Eau et de trois lots ruraux désignés ci-dessous:

1° - n°63 – Trente ares.
2° - n°112 – Un hectare, un are, soixante-cinq centiares
3° - n° 196 – Cinq hectares, cinquante ares, vingt centiares tel qu'il est indiqué au plan général de Fort-de-l'Eau.

 

Art. 2 – Le concessionnaire servira à l'état une rente annuelle et perpétuelle de cinquante centimes par are pour le lot urbain, et de un franc par hectare pour les lots ruraux – payable par trimestre et d'avance, à la Caisse du Receveur des Domaines d'Alger, à partir du 1er janvier 1853.

Cette rente sera rachetable conformément aux dispositions du titre 2 de l'ordonnance du 1er octobre 1844.

Il sera tenu, en outre, aux charges et impôts qui pourront grever ultérieurement la propriété foncière en Algérie

 

Art. 3 – Il devra construire dans le délai de six mois une maison d'habitation en rapport avec l'importance de la concession – Mettre en rapport la totalité des terres arables, prairies et autres et boiser les terrains reconnus impropres à toute autre culture, et ce, dans un délai de deux années à partir de ce jour.

Seront considérés comme cultivés, les terrains laissés en prairies naturelles, pourvu que ces prairies soient nettoyées et que leur étendue n'excède pas la moitié de la concession.

 

Art. 4 – Il devra, dans le même délai, planter au moins vingt-cinq arbres forestiers ou fruitiers de haute tige par hectare; mais il demeure libre de distribuer de son gré, sur l'ensemble des terres concédées.

 

Art. 5 – Toutefois, le concessionnaire sera dégagé des obligations à lui imposées par les articles 3 et 4, s'il a, dans le courant de la première année, satisfait aux conditions de construction ci-dessus stipulées.

 

Art. 6 – Le concessionnaire devra entretenir en bon état de conservation les canaux d'irrigation et dessèchement qui traversent ou traverseront sa propriété, et de planter leurs bords d'arbres et de haute futaie ou autres.

Il devra également curer ou nettoyer les cours d'eau non navigables ni flottables qui traversent ou bordent la propriété concédée conformément aux lois et règlement qui régissent la matière en France.

Art. 7 - Le concessionnaire ne jouira des sources et cours d'eau existant sur ledit immeuble, que comme usufruitier et conformément aux règlements existants ou à intervenir sur le régime des eaux en Algérie.

Art. 8 – Il abandonnera à l'Etat, pendant dix ans, sans indemnité, les terrains nécessaires à l'ouverture de routes, chemins, canaux et autres ouvrages d'utilité publique.

. L'Etat se réserve la propriété des objets d'arts, mosaïques, bas-reliefs, statues, débris de statues, médailles, qui pourront exister sur la concession.

Art. 9 - Le concessionnaire aura la propriété de l'immeuble concédé à la charge de l'accomplissement des conditions prescrites.

Il pourra hypothéquer et transmettre, à titre onéreux ou gratuit, tout ou partie de cet immeuble.

Toutefois, tant qu'il n'aura pas été affranchi de la clause résolutoire, les détenteurs successifs seront soumis à toutes les obligations qui leur sont imposées et les affectations hypothécaires seront régies par les dispositions de l'article 2.125 du code civil

 Art. 10 - En cas d'affectation hypothécaire ou de transposition de tout ou partie de l'immeuble concédé, à quelque titre que ce soit, les prêteurs et propriétaires successifs, devront faire élection de domicile dans le ressort du tribunal de la situation des biens et en outre notifier, par acte extrajudiciaire et dans le délai de quinze jours de sa date, leur contrat au Préfet.

 Art. 11 - Dans le mois qui suivra l'expiration du délai pour l'exécution des conditions, ou plus tôt, si le concessionnaire ou ses ayants droits le demandent, il sera procédé dans les formes indiquées  par le décret du 26 avril 1851, à la vérification de l'état matériel de l'immeuble et à l'évaluation des dépenses effectuées.

 Art. 12 - Si toutes les conditions sont exécutées, ou si le concessionnaire se trouve dans  le cas prévu par l'article 5, l'immeuble sera déclaré affranchi de la condition résolutoire.

Art. 13 - Si toutes les conditions ne sont pas exécutées, il sera statué, soit sur la prorogation du délai, soit sur la déchéance totale ou partielle, conformément aux ordonnances des 21 juillet 1845, 5 juin et 1er septembre 1847.

 Art. 14 - En cas de déchéance, l'immeuble concédé fera retour à l'Etat, francs et quitte de toutes charges. Néanmoins, si le concessionnaire a fait sur l'immeuble des améliorations utiles et constatées par! Procès-verbal de vérification, il sera procédé publiquement par voie administrative à l'adjudication de l'immeuble.

 Les concurrents seront tenus de justifier de facultés suffisantes pour satisfaire aux conditions du cahier des charges.

Le prix de l'adjudication, déduction faite des frais, appartiendra au concessionnaire ou à ses ayant causes.

Tous les droits réels provenant du fait du concessionnaire, seront transportés sur ce prix et l'immeuble en sera de plein droit affranchi par le seul fait de l'adjudication.

Art. 15 – Dans le cas où il ne se présenterait aucune adjudication, l'immeuble fera retour à l'Etat, francs et quitte de toutes charges provenant du fait du concessionnaire déchu.

Art. 16 – Si le concessionnaire ne requiert pas sa mise en possession dans un délai de trois mois, à partir de la notification qui lui sera faite du présent arrêté, il sera déchu de plein droit du bénéfice de la concession.

Fait à Alger, le 15 octobre 1851.
Signé: LAUTOUR MEZERAY

L'affranchissement des clauses résolutoires s'est fait le 17 novembre 1856 par arrêté du Préfet du département d'Alger.

 


Document

Lettre du baron de Vialar

Transcription du courrier du baron de Vialar:

Monsieur le Ministre,

Plusieurs cultivateurs illettrés me prient de leur servir d'interprète auprès de vous et de vous recommander une pétition qu'ils ont adressée il y a près d'un mois à M. le Directeur de l'Intérieur.
L'objet en est grave, la demande est fondée, il serait avantageux pour le pays qu'elle fût accueillie favorablement et sans retard. Je n'hésite pas, quoique étranger à l'entreprise proposée et quoique à certains égards je dusse y être contraire à essayer d'attirer votre examen et votre bienveillance sur cette pétition.
La population agricole des environs d'Alger se compose principalement de Mahonnais. Ils ont quitté en grand nombre leur île avec leurs femmes et leurs enfants, et ont peuplé et cultivé presque tout le massif d'Alger.
Tandis que les villages fondés par l'Administration n'offrent que des cultures encore bien rares et plutôt onéreuses que productives pour les concessionnaires qui y ont été placés, les Mahonnais plus acclimatés, plus sobres et plus habiles dans la petite culture, ont trouvé le moyen de vivre dans l'aisance dans les propriétés des autres européens, et de leur payer des fermages assez élevés. Ce sont eux réellement qui ont doté le massif de la culture et de la vie.
Environ cinquante chefs de famille, habitant depuis un grand nombre d'années l'Algérie, tous cultivateurs acclimatés, tous fermiers, gênés par le prix très élevé des terres qui leur sont louées, demandent une concession à l'Administration. Ils sollicitent d'être placés, aux mêmes conditions que les concessionnaires des autres villages, au Fort-de-l'Eau, près la Maison-Carrée, sur l'ancienne ferme de La Rassauta.
Jusqu'à présent on n'a fondé de village qu'à l'aide de nouveaux venus étrangers à la culture, au moins à celle par laquelle on réussit en Algérie. Ce sont aujourd'hui des habitants de cette contrée, des algériens qui entrent dans vos plans d'agglomération et qui s'offrent à se réunir dans un village qu'ils créeraient sous votre protection et avec votre assistance.
S'ils n'étaient pas sûrs de réussir, ils n'exposeraient pas dans cette fondation et leur temps qui est précieux, et leurs économies acquises ici au soleil de l'Afrique et l'existence de leurs familles.
Ce serait la première fois peut-être qu'un village agricole serait fondé en Algérie dans des conditions assurées de succès. Il se ferait sans doute en privant plusieurs propriétaires de leurs meilleurs ouvriers, mais ce n'est pas une considération qui puisse arrêter lorsqu'il s'agit de faire une chose utile et de procurer le bien-être à plus de trois cents personnes.
Vous avez deux moyens, Monsieur le Ministre, d'établir une population française en Algérie, c'est d'y faire venir des français, c'est d'y rendre français les Européens qui y sont déjà ou y arriveraient. Ce dernier moyen ne réussira qu'en traitant ceux-ci avec la même bienveillance, avec la même faveur que les français de naissance, et en ne distinguant les hommes que par leur degré d'utilité et de moralité.
Sous ce point de vue et sous celui du progrès agricole, la demande des Mahonnais est une bonne fortune. Je la soumets avec respect et confiance à votre sollicitude éclairée.

Je suis avec respect, Monsieur le Ministre
Signé Baron de Vialar

Mustapha Supérieur le 1er mars 1847

 


Document

Décret de la création de Fort-de-l'Eau

Transcription du décret:

Au nom du peuple français,
Le Président de la République,
Vu l'ordonnance du 21 juillet 1845, 3 juin et 1 septembre 1847,
Sur le rapport du Ministre de la Guerre, 

Décrète:
Art. 1er - Il est créé sur le Domaine de La Rassauta, au lieu dit le Fort de l'Eau, un centre de population de 50 feux, qui prendra le nom de Fort de l'Eau.

Art. 2 - Le territoire agricole à affecter à ce nouveau centre sera, conformément au plan ci-annexé, de 500 hectares.

Art. 3 – Le Ministre de la Guerre est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait à l'Elysée National, le onze janvier 1850.
Signé: L. N. Bonaparte
Le Ministre de la guerre
Signé: D'Hautpoul
Pour ampliation
Le secrétaire Général
Signé: Boujade
Pour copie conforme
Le Secrétaire Général du Gouvernement

 


 

A Mahon, le souvenir de l'émigration pour l'Algérie et la fondation de Fort-de-l'eau sont encore vivaces:

 

 

Dans l'avenue du même nom, des boutiques le rappellent:

 

 

 

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